Pourquoi les vignerons devraient s’intéresser au rap.
Rap et Alcool : Comment le Hip-Hop booste les marques de Luxe et de Spiritueux
Depuis les années 90, le rap et le luxe entretiennent une relation étroite. Quand Notorious B.I.G., Jay-Z et Puff Daddy imposent l’esthétique ghetto fabulous, tout devient synonyme d’excès : grosses voitures, liasses de cash… et champagne, toujours en abondance.
Sur Brooklyn’s Finest, Biggie est le premier à citer la marque Roederer Cristal, propulsant ce champagne à 300 € la bouteille dans l’univers du rap. Trois décennies plus tard, Ninho perpétue cette tradition : « Ramenez-moi des fraises et du champagne blanc de blanc ». Le message est clair : le champagne reste un symbole de réussite.
Comme vous ce phénomène ne m’a pas échappé. Le rap a façonné une dynamique commerciale unique, offrant aux marques de luxe une visibilité exceptionnelle, souvent gratuite. Longtemps, elles ont bénéficié d’une publicité organique grâce aux artistes qui les citaient dans leurs morceaux et les exhibaient dans leurs clips.
Avec le temps, ces marques ont compris l’ampleur de cette influence et ont cherché à structurer ces collaborations. Désormais, les partenariats entre rappeurs et maisons de luxe sont monnaie courante, devenant un levier marketing puissant, même face aux restrictions de la loi Évin en France.
Alors, quel impact réel le rap a-t-il sur ces marques ?
Comment cette culture a-t-elle redéfini leur image et boosté leurs ventes ? Plongeons dans une analyse plus approfondie pour mieux comprendre cette influence à travers quelques exemples.
Courvoisier : Une croissance à deux chiffres grâce à Busta Rhymes
En 2002, Busta Rhymes sort Pass the Courvoisier, Part II avec P. Diddy et Pharrell Williams. Ce hit fait exploser la notoriété du cognac Courvoisier.
- Allied Domecq, maison mère de Courvoisier à l’époque, a enregistré une augmentation à deux chiffres de ses ventes aux États-Unis.
- Certaines estimations parlent d’une progression de 20 % des ventes sans qu’aucun contrat officiel n’ait été signé avec les artistes. (Source : Cairn.info)
Cîroc et Diddy : Une stratégie marketing qui rapporte des millions
Avant 2007, la vodka Cîroq stagnait à 40 000 caisses vendues par an. Diageo, propriétaire de la marque, s’associe alors avec Sean « Diddy » Combs, qui en devient l’ambassadeur.
- Grâce à ses campagnes marketing et à son influence dans le hip-hop, les ventes explosent.
- En 2014, Cîroq atteint un volume de vente de plus de 2 millions de caisses par an. (Source : Wikipedia)
Nicki Minaj et Myx Fusions Moscato : Une croissance de 400%
Nicki Minaj, copropriétaire de Myx Fusions Moscato, a boosté les ventes de ce vin pétillant.
- En six mois, les ventes augmentent de 400 %.
- Plus de 7,5 millions de bouteilles sont écoulées, générant 18 millions de dollars de chiffre d’affaires. (Source : Booska-P)
Hennessy et Nas : Une collaboration stratégique gagnante
Hennessy s’est associée à de nombreux rappeurs, mais son partenariat avec Nas en 2012 pour la campagne Wild Rabbit reste marquant.
- Cette collaboration a renforcé la position de Hennessy sur le marché américain du cognac.
- La marque enregistre une hausse des ventes de 10 % en un an.
(Source : Forbes)
Jay-Z et Armand de Brignac : Un Champagne de luxe propulsé par le Rap
Jay-Z a largement contribué au succès de la marque Armand de Brignac, depuis qu’il a investi dans la marque en 2014.
- La marque a vu sa popularité exploser, devenant un symbole du luxe dans le hip-hop.
- En 2021, LVMH acquiert 50 % des parts d’Armand de Brignac, valorisant la marque à plus de 640 millions de dollars. (Source : Bloomberg)
À l’origine, Armand de Brignac n’est pas une création de Jay-Z, mais une cuvée de prestige élaborée par la maison familiale Cattier, située à Chigny-les-Roses, en Champagne. C’est en 2006 que le rappeur met en lumière cette marque en l’affichant dans son clip « Show Me What You Got », après avoir tourné le dos au Cristal de Roederer. Ce coup de projecteur contribue à faire d’Armand de Brignac un champagne emblématique du monde du hip-hop et, surtout, du luxe, aujourd’hui présent dans les grands hôtels et palaces de luxe.
Une nouvelle équipe Marketing prend en charge la marque et parvient à élargir son public. Autrefois prisé uniquement dans les cercles de la nuit, Armand de Brignac se retrouve désormais dans des établissements de renom, lors de dégustations œnologiques et d’événements haut de gamme..
De Booba à Jul : Jack Daniel’s ou Le rêve américain
Booba, l’un des rappeurs les plus influents de la scène française, a su lier son image à celle de la célèbre marque de whisky Jack Daniel’s, créant ainsi une alliance forte et marquante.
- En 2008, lors de son concert au Urban Peace, Booba lance une bouteille de Jack Daniel’s dans la foule, un geste qui associe instantanément son image à celle de la marque.
- Depuis cet événement, Booba affiche régulièrement sa passion pour Jack Daniel’s, apparaissant avec la marque dans ses clips et publications, renforçant ainsi l’association entre sa musique et le whisky, allant même jusqu’à créer son morceau « Jack Da » en 2015, un hommage direct à la boisson.
- Cette association implicite a permis à Jack Daniel’s de se rapprocher de l’univers du rap, de toucher un public jeune et dynamique, et de renforcer son image de luxe et de virilité, des valeurs partagées avec Booba.
- De son côté, Jul a également ecrit la même année le morceau « Jack Miel », comme quoi…
Pourquoi le Rap fait vendre du Champagne et des Spiritueux ?
- Une Puissance Médiatique Inégalée : Les artistes de rap cumulent des millions d’abonnés sur les réseaux sociaux et leurs clips sont visionnés des millions de fois.
- Un Style de Vie Aspirationnel : Le rap véhicule souvent une image de réussite, de fête et de luxe, dans laquelle l’alcool joue un rôle central.
- Une Proximité avec le Public : Contrairement à d’autres genres musicaux, le rap crée un lien direct avec ses fans, qui adoptent facilement les références culturelles mises en avant par leurs idoles.
Comment les marques de vin ou d’alcool peuvent-elles capitaliser sur l’influence HIP HOP ?
Les succès stories de Courvoisier, Cîroc, Myx Fusions Moscato, Hennessy et Armand de Brignac montrent que les marques peuvent bénéficier d’une visibilité exceptionnelle et d’une hausse des ventes significative en collaborant avec des rappeurs influents. Cependant, pour maximiser leur impact, elles doivent :
- Choisir un artiste en adéquation avec leurs valeurs et leur cible.
- Opter pour une collaboration authentique (contrats d’ambassadeur, actions marketing communes, co-création de produits).
- Faire attention à la Loi EVIN !!!!!
- Toujours rester fidèle et cohérent à sa communication de marque
- Réfléchir à la possibilité de le l’intégrer dans légalement dans sa Stratégie Social Media
Quels sont les risques d’une collaboration pour les marques ou les artistes ?
L’association entre une marque et une célébrité peut être un levier marketing puissant, mais elle comporte aussi des risques considérables.
– Quand l’image d’un artiste devient un fardeau pour une marque
Puff Daddy et Kanye West ont multiplié les controverses, poussant plusieurs entreprises à rompre leurs partenariats pour éviter d’être mêlées à leurs scandales.
S’associer à une personnalité dont l’image peut se détériorer rapidement expose les marques à des risques de boycotts, de perte de crédibilité et de crises médiatiques. Il est donc crucial pour elles de choisir leurs ambassadeurs avec précaution, en s’assurant que leurs valeurs et leur image restent alignées sur le long terme.
– L’Artiste peut aussi tourner le dos à une Marque
Et inversement, comme nous l’avons vu précédemment, un artiste peut aussi tourner le dos à une marque, emportant avec lui toute sa Fan Base et tout son univers c’est exactement ce qu’a fait Jay-Z, qui a infligé un coup dur à Cristal Roederer. En boycottant Cristal et en dénonçant les propos jugés discriminatoires de ses dirigeants, Jay-Z a non seulement porté un coup à la marque Roederer, mais il a également saisi l’opportunité de se positionner autrement. En investissant directement dans Armand de Brignac (Ace of Spades), il en a fait un nouvel étendard du luxe dans le monde du rap et au delà.
– L’image sulfureuse du rap et votre image de marque
Le rap est parfois perçu comme sulfureux en raison de ses thèmes provocateurs et de son langage direct. Ce genre musical aborde des réalités sociales difficiles et utilise des mots forts pour choquer ou dénoncer des injustices. Bien que ce côté puisse déstabiliser, il permet aux artistes de s’exprimer librement et de mettre en lumière des sujets importants. Toutefois, cela peut aussi entraîner des risques pour l’image d’une marque, en fonction de la façon dont ces messages sont reçus par le public.
Comment la Loi Évin encadre les partenariats d’influence
Bien que l’influence du rap sur les ventes d’alcool soit indéniable, il est essentiel de rappeler que la loi Évin, en vigueur en France, impose des restrictions strictes en matière de publicité pour les boissons alcoolisées. Selon cette législation, il est interdit de faire la promotion d’alcool en associant l’image d’une célébrité, qu’elle soit star de la musique, de la télévision, ou des réseaux sociaux, à un produit alcoolisé.
En avril 2024, plusieurs marques d’alcool ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Paris pour violation de cette loi, dont Moët Hennessy Diageo pour une publicité avec Lady Gaga et la marque Féfé pour un partenariat avec le rappeur SCH.
Ces condamnations sont le fruit des démarches engagées par l’association Addictions France, qui œuvre pour le respect de la loi Évin sur Internet.
En effet, toute promotion d’alcool sur les plateformes sociales ou en ligne doit être purement informative, sans aucun lien avec des images de fête, de convivialité ou de plaisir. La loi vise à protéger la santé publique en interdisant la diffusion de messages qui pourraient inciter à la consommation excessive ou irresponsable. Ainsi, les marques d’alcool, même en s’associant à des artistes influents, doivent naviguer avec précaution pour éviter toute violation qui pourrait entraîner des amendes lourdes et nuire à leur réputation.
Notre responsabilité face aux jeunes et à la consommation d’alcool
Il est essentiel de prendre conscience de l’influence que peuvent avoir les rappeurs et les marques d’alcool sur les jeunes. L’association entre l’alcool et un style de vie aspirant peut inciter à une consommation excessive et même à l’alcoolisme. En tant que professionnels, il est de notre responsabilité de promouvoir une consommation modérée et de ne pas glorifier l’alcool comme un moyen d’atteindre le succès ou de célébrer la fête.
Conclusion : Pourquoi les marques de champagne et spiritueux devraient s’intéresser au rap : un levier marketing puissant à manier avec précaution
Le rap a prouvé qu’il pouvait transformer des marques d’alcool en véritables icônes culturelles. Une simple mention dans un hit peut suffire à faire grimper les ventes, tandis qu’un partenariat bien orchestré peut propulser une marque au sommet. Aujourd’hui, l’artiste Drake, surnommé Champagne Papi, a lui même sorti sa propre cuvée, les exemples sont nombreux… Nous reviendrons à travers un article sur les artistes ayant lancé eux même leurs propres marques de champagne.
Mais au-delà du simple placement produit, l’authenticité reste la clé d’une collaboration réussie. Les marques qui s’impliquent sincèrement, qui respectent la culture et qui tissent des liens réels avec les artistes créent des campagnes impactantes et durables.
Cela me rappelle mon expérience avec ma marque de vêtements HOODY-B. En démarchant des rappeurs, l’un d’eux m’a dit : « Ce qu’on apprécie chez toi, c’est que tu viens jusqu’à chez nous, tu nous accompagne en studio pour écouter notre musique, que tu cherches à comprendre notre univers. Beaucoup veulent collaborer, mais rares sont ceux qui font l’effort de nous connaître. » Cette réflexion m’a marqué, car elle souligne l’importance de l’engagement sincère dans toute collaboration.
Le succès ne repose pas uniquement sur la puissance médiatique d’un artiste, mais sur une alliance basée sur des valeurs communes et un respect mutuel. Une vraie rencontre entre deux univers vaut bien plus qu’un simple coup marketing. Et surtout, n’oublions pas qu’en France, utiliser l’image d’un artiste pour promouvoir une marque d’alcool est une démarche très délicate, voire interdite par la loi Evin. Mais rien n’empêche l’artiste d’intégrer votre marque dans son univers.
En tant que passionné de communication, de musique et du monde viticole, c’est une réflexion qui m’anime. L’influence du rap sur le champagne n’est plus à prouver, mais elle pourrait encore évoluer vers plus d’authenticité et de storytelling autour du produit.
Si vous souhaitez en discuter ou réfléchir à une collaboration, contactez moi. Je serai ravi d’échanger avec vous sur la stratégie à adopter et de vous accompagner dans cette démarche.
Marketeurs, Rappeurs ou vignerons, je vais citer le rappeur Driver pour finir cet article : « Tout le monde le petit doigt en l’air et Tchin-tchin à la notre ! »
